« Moi, le français je le parle mieux que vous et je te merde » disait Ahmed l’ami de Coluche. ».
Moi, le français je ne sais vraiment plus comment ni où j’ai commencé à l’apprendre.
Bien avant l’âge de sept ans j’entendais souvent ma mère me dire d’aller chercher le « tabouri »à l’ « cousina » ou de mettre les assiettes sur « t’abla ».Je ne savais pas encore que « t’abla » s’appelait aussi « Tawila »car je n’avais pas encore intégré l’école .Je savais par contre qu’elle pouvait avoir le nom de « missa » car j’entendais souvent ma grand mère qui ne parlait que berbère, l’appeler ainsi. A cet âge là je ne m’occupais pas de ce genre de problème
Et je ne voyais pas l’intérêt que cela pouvait avoir de varier les appellation d’un objet de quatre pieds autour duquel chacun était content de s’asseoir dès qu’il était garni de mets appétissants.
Dans mon enfance il se trouvait plein de mots tels que « licoul » « bataille » « l’coummissariat » « dinifri » « sbitar » et j’en passe. C’étaient pour nous des vocables sans origine ni nationalité, mais ô combien chargés de signification pour nos cœurs d’ enfants.
A douze ans j’ai eu mon premier prof de français. C’était une française. Elle s’appelait madame Winter. On ne pouvait lui donner un âge. Elle avait une chevelure pauvre et grise, mais s’habillait souvent en minijupe, et laissait voir des jambes plutôt fraîches , ce qui ne manquait pas de perturber les esprits des jeunes élèves.
C’était cette madame Winter qui m’avait appris les mots en « ou » finissants par un « x ». Elle nous chantait « ce sont les mères des hiboux qui désiraient chercher les poux ,de leurs enfants leurs petits choux en les tenant sur leurs genoux ,… » Et quand elle arrivait à « votre histoire se passait où chez les zoulous, les andalous ou dans la cabane bambou ? » elle ponctuait ce mot avec un tel coup de rein à vous faire rentrer la grammaire et l’orthographe pour le restant de vos jours.
Le français appartient à ceux qui le parlent, à ceux qui le vivent ; il serait dommage de confondre les mots et ce qu’ils représentent. »